Emploi Fes-Meknes

La région de Fès-Meknès occupe une place stratégique dans l’économie marocaine, tant par son patrimoine, sa localisation que par le potentiel de ses secteurs productifs ; or, l’emploi dans cette zone connaît à la fois des atouts à valoriser et des freins à surmonter. D’un côté, la région dispose d’un tissu industriel établi depuis plus de soixante ans, notamment dans les secteurs du textile/habillement, de l’agroalimentaire, de l’automobile et de l’offshoring, lesquels concentrent à eux seuls une large part des emplois industriels de la zone (80 % selon le Centre régional d’investissement Fès‑Meknès – CRI). (pfjm.ma) Par exemple, le secteur textile-habillement occupe environ 21 727 emplois, l’automobile près de 9 602, l’offshoring 9 321 et l’agroalimentaire 7 699 dans la région. (pfjm.ma) Cette spécialisation sectorielle présente un avantage certain : elle permet à la région de se positionner comme un pôle industriel crédible, d’attirer des investissements et de créer des emplois relativement nombreux dans des filières identifiables. En outre, un plan de «cartographie des emplois et des compétences» est en cours pour mieux associer l’offre et la demande de travail, ce qui témoigne d’une volonté d’anticipation et de structuralisation de l’emploi. (competencesfesmeknes.ma)

Cependant, malgré ces atouts, de nombreux défis subsistent. Le taux d’activité dans la région est modéré : pour la population masculine, il est d’environ 68 %, et pour la population féminine d’environ 18 % selon des données récentes. Le chômage reste élevé, particulièrement chez les jeunes et dans les zones rurales, ainsi que le sous-emploi qui affecte une part non négligeable des actifs occupés. En matière d’emploi rural, par exemple, le taux d’emploi est de l’ordre de 50,2 % dans certaines zones rurales de la région, mais le sous-emploi y est fortement présent (19 % dans les zones rurales) ; tandis qu’en zone urbaine le taux d’emploi reste plus faible (32,2 %) avec un sous-emploi de 8,7 %. Par ailleurs, l’insertion des jeunes «NEET» (ni en emploi, ni en éducation, ni en formation) est un problème marqué : dans la région, ils représenteraient plus de 29,8 % de cette population, et cette proportion est encore plus élevée chez les jeunes filles (46,5 %). Le faible taux de participation des femmes au marché du travail (autour de 19,2 % dans la région contre 22,4 % au niveau national) est aussi un élément d’alerte ; les causes relevées sont le faible accès à la formation, la mobilité limitée, la lourdeur des charges familiales et les discriminations.

Un autre élément à considérer est la nécessaire diversification des emplois au-delà des filières traditionnelles. Bien que les secteurs textile, automobile, agroalimentaire et offshoring soient dominants, la dynamique montre que certaines filières perdent du terrain (par exemple, le textile et l’agroalimentaire ont accusé des baisses de respectivement 15 % et 4,5 % entre 2013-2019) tandis que l’automobile et l’offshoring ont progressé (+15 % et +8 % respectivement). (Infomédiaire) Cela impose à la région d’«inventer» de nouvelles propositions de valeur, d’attirer des «locomotives» industrielles et de renforcer l’écosystème autour de ces métiers. (pfjm.ma) Aussi, pour que l’emploi soit durable, il ne s’agit pas seulement d’absorber des actifs, mais aussi de créer des emplois de qualité : avec des compétences adaptées, une formation pertinente, une mobilité géographique et fonctionnelle, et des conditions de travail correctes. Sur ce point, des conventions ont été signées, comme avec Alstom Cabliance pour la création de 330 postes d’ici 2023 dans la zone industrielle ex-COTEF de la région. (CRI)

Par conséquent, l’emploi dans la région de Fès-Meknès peut être résumé comme un scénario à double visage : d’un côté, une stratégie sectorielle solide, des filières industrielles bien identifiées, une volonté d’accompagnement institutionnel (via la Agence nationale de promotion de l’emploi et des compétences – ANAPEC –, le CRI, etc.), et des opportunités concrètes ; de l’autre, une faible diversification, un fort chômage chez les jeunes, une faible participation des femmes, un sous-emploi important, et des défis d’adaptation de compétences. Pour que l’emploi devienne un levier de développement régional véritable, certains axes méritent une attention renforcée : premièrement, l’orientation de la formation professionnelle et de l’enseignement supérieur vers les métiers porteurs de la région (automobile, numérique/offshoring, agro-industrie, services de haute valeur). Deuxièmement, l’amélioration de l’employabilité via des programmes d’accompagnement, de stage et d’insertion pour les jeunes sortis du système scolaire ou universitaire, et en particulier pour les jeunes filles. Troisièmement, la promotion de l’entrepreneuriat et de l’auto-emploi : la région a mis en place des dispositifs d’appui aux étudiants-entrepreneurs et aux jeunes porteurs de projets pour encourager la création de micro-entreprises ou d’unités génératrices d’emploi. (CRI) Quatrièmement, l’amélioration de la mobilité géographique et fonctionnelle des travailleurs, surtout dans un contexte où la spécialisation industrielle impose parfois une localisation dans des zones industrielles ou péri-urbaines. Enfin, cinquièmement, l’attraction d’investissements structurants, de «grands comptes», susceptibles de créer des effets d’entraînement dans toute une chaîne de valeur et de renforcer l’écosystème régional (infrastructures, logistique, services, formation).

Pour les jeunes diplômés ou les actifs qui cherchent un emploi dans cette région, le paysage est donc plutôt favorable si l’on s’inscrit dans les filières en croissance, mais il impose aussi de faire preuve de proactivité : se former aux compétences demandées, être mobile, envisager des secteurs émergents et rester ouvert à l’auto-emploi ou à l’intrapreneuriat. Pour les pouvoirs publics et les acteurs économiques, l’enjeu est d’aligner les politiques de l’emploi, l’investissement, la formation et l’innovation de façon territorialisée, c’est-à-dire en tenant compte des spécificités de Fès-Meknès (zones rurales vs urbaines, filières dominantes, potentiel de l’agro-industrie, etc.). En conclusion, l’emploi dans la région de Fès-Meknès est à un tournant : l’infrastructure est là, les filières aussi, mais la phase de transition vers un marché du travail plus diversifié, plus qualifié, plus inclusif et mieux structuré reste à franchir. Ceux qui sauront s’insérer dans cette dynamique — qu’il s’agisse de travailleurs, de formateurs, d’entrepreneurs ou d’investisseurs — contribueront à transformer ce potentiel en emplois durables et en véritable moteur de développement régional.

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